Le dernier opus de la saga Dragon Age fait parler de lui, mais pas pour les bonnes raisons. Avec seulement 1,5 million de joueurs en moins de 6 mois, Dragon Age: The Veilguard est loin d’avoir atteint les objectifs fixés par Electronic Arts. Cette contre-performance a entraîné des conséquences dramatiques pour BioWare et soulève de nombreuses questions sur l’avenir de la franchise.
Mais au-delà des chiffres, ce sont surtout les récentes déclarations des dirigeants d’EA qui interpellent. Elles témoignent d’une profonde incompréhension de ce qui fait l’essence même de Dragon Age et plus largement de BioWare. Décryptage d’un fiasco qui en dit long sur les tensions entre créativité et rentabilité dans l’industrie du jeu vidéo.
Des chiffres décevants mais pas catastrophiques
Avec 1,5 million de joueurs, Dragon Age: The Veilguard est certes en-deçà des attentes d’EA. Mais replacés dans le contexte de la saga, ces chiffres ne sont pas si mauvais. Dragon Age: Origins s’était écoulé à 3,2 millions d’exemplaires en quelques mois, tandis que Dragon Age II avait atteint les 2 millions en deux mois. Seul Dragon Age: Inquisition fait figure d’exception avec ses 12 millions de copies vendues en une décennie.
Il faut dire que The Veilguard n’a pas bénéficié des mêmes conditions que ses prédécesseurs. Développé dans la douleur après l’échec d’Anthem, le jeu a subi de nombreux changements de cap. Initialement pensé comme un jeu service, il a finalement été recentré sur une expérience solo plus traditionnelle. Un virage salué par les fans mais qui a sans doute pesé sur son développement, comme en témoigne l’arrivée tardive du patch 3 pour corriger certains problèmes.
EA et le mirage du jeu service
Pour Andrew Wilson, le PDG d’EA, l’échec de The Veilguard s’explique par l’absence d’éléments de jeu service. Une analyse qui témoigne d’une profonde méconnaissance de ce qui fait le succès de Dragon Age. La saga s’est toujours démarquée par la richesse de son univers, la profondeur de ses personnages et la qualité de son scénario. Des atouts qui ont permis à BioWare de révolutionner le monde des RPG depuis 30 ans.
En voulant à tout prix transformer Dragon Age en jeu service, EA prend le risque de dénaturer la franchise. L’échec cuisant d’Anthem aurait pourtant dû servir de leçon. Les joueurs attendent avant tout de BioWare des expériences solo riches et immersives, pas des jeux multijoueurs sans âme.
Le solo, une valeur sûre
Contrairement à ce que pense EA, les jeux solo ont encore de beaux jours devant eux. S’ils ne génèrent pas des revenus continus comme un Fortnite, ils offrent une bien meilleure longévité. Là où les jeux service vivent et meurent au gré des mises à jour, les jeux solo gagnent en reconnaissance avec le temps. Il suffit de voir le succès durable d’un Dragon Age: Inquisition pour s’en convaincre.
De plus, les jeux solo sont plus faciles à recommander et à revisiter. Face aux déceptions de certains jeux service récents, de nombreux joueurs se sont tournés vers des valeurs sûres comme la saga Batman Arkham. Un phénomène qui explique sans doute pourquoi les trésors et collectibles de The Veilguard continuent d’attirer les joueurs malgré des ventes en demi-teinte.
Quel avenir pour Dragon Age et BioWare ?
L’échec relatif de The Veilguard pose inévitablement la question de l’avenir de Dragon Age et plus largement de BioWare. La saga fantasy est pour l’instant mise en pause, tandis que le studio se concentre sur le prochain Mass Effect. Un choix qui n’est pas sans rappeler la mise au placard de Mass Effect après l’accueil mitigé d’Andromeda.
Pourtant, EA aurait tout intérêt à laisser BioWare faire ce qu’il sait faire de mieux : des RPG solo ambitieux et immersifs. C’est en restant fidèle à son ADN que le studio pourra retrouver son lustre d’antan. Les fans attendent d’ailleurs avec impatience de voir comment Mass Effect s’invitera dans The Veilguard pour le N7 Day, preuve que l’engouement pour l’univers BioWare reste intact.
Le talent ne se commande pas
L’industrie du jeu vidéo a plus que jamais besoin de studios comme BioWare, capables de créer des univers riches et des personnages mémorables. En voulant à tout prix transformer Dragon Age en poule aux œufs d’or, EA risque de tuer la poule. Le succès ne se décrète pas, il se construit patiemment en laissant s’exprimer le talent des créateurs.
Espérons qu’EA saura tirer les leçons de cet échec et donnera à BioWare les moyens de ses ambitions. Car malgré le retour mitigé de The Veilguard, la saga Dragon Age a encore de belles histoires à raconter. À condition qu’on lui en laisse le temps et la liberté.